De l'art de ne pas être solidaire.
Très longtemps, mise à part des posts un peu rieurs sur Facebook, je me suis refusée d’écrire quoi que ce soit sur les prises de position de Kamel Daoud au fil des ans. Mais je suis un peu fatiguée de la manière dont ses défenseurs qualifient d’hystérique et d’infondée toute critique qui s’élève contre lui.
Le jeudi premier octobre, Kamel Daoud, a accordé un entretien à Augustin Trapenard dans l’émission Boomrang de France Inter. J’ai très envie de faire des jeux de mots faciles sur les pièges et autres traquenards qu’il aurait fallu éviter mais je vais m’efforcer de rester sérieuse.
Mes critiques se concentreront sur la partie où Kamel Daoud a parlé de l’Algérie.
Le reste, l’état de la liberté d’expression en France, l’occident, la vérité, Internet et les réseaux sociaux ne m’intéresse pas beaucoup, je l’avoue.
Pour ce qui est de l’Algérie, il déclare que le régime algérien, qu’il soit légitime ou non, a un projet. Est-ce l’insulter de dire que le régime algérien n’a jamais eu d’autre projet que de se maintenir ? Est-ce l’insulter que de dire que botter en touche la question de la légitimité du régime, pour un intellectuel, est pour le moins cavalier, si ce n’est suspect ?
Il répète depuis des mois que les militants du Hirak sont coupés de l’Algérie rurale. Je ne peux pas parler en leurs noms à toutes et à tous, mais je veux bien le lui accorder, en ce qui concerne ma petite personne. Je vis dans le Maine(rural) du nord-est des Etats-Unis, et je suis en effet un peu coupée de Ténès et ses environs, pour citer une zone rurale qui m’est chère. Mais en quoi cela devrait changer mes convictions politiques profondes et mon souhait que ce régime tombe ?
On nous reproche de l’attaquer mais personne ne trouve à redire lorsqu’il décrète que les militants du Hirak font preuve de naïveté, concept un peu flou qu’il s’abstient d’ailleurs de définir. Kamel Daoud semble oublier, qu’hors de lui, il y a des gens qui lisent, qui réfléchissent et débattent depuis longtemps et tout aussi bien que lui. Prennent des décisions pesées et pensées et qui mettent parfois leur existence sens dessus-dessous et même leur vie en danger.
Pour finir, je ne peux pas ne pas évoquer Khaled Drareni, moi qui le défends depuis des mois avec mes pauvres petits moyens. Khaled Drareni est en prison depuis six mois, Kamel Daoud, entretien avec France inter coupé au montage ou pas, avait largement le temps de dire et de répéter son soutien, voire même d’user de sa célébrité pour militer en sa faveur ou en la faveur d’autres détenus politiques de son choix. Il ne l’a pas fait et c’est son droit le plus absolu.
Mais inférer que ceux qui défendent Khaled Drareni sont des naïfs et qu'ils créent une atmosphère où l’on s’entendrait à peine penser – je paraphrase à peine - c’est aussi insulter Khaled Drareni. Car depuis le début, ceux qui le soutiennent règlent leurs pas sur ceux de Khaled Drareni qui ne reconnaît pas le régime algérien actuel.
Khaled Drareni est innocent et il ne négociera pas son innocence. Et en plus de le soutenir contre ce régime inique et illégitime, en plus d’être solidaire de sa cause et de celle de tous les prisonniers politiques, nous admirons qu’il ait, sans faillir, le courage de ses convictions.
