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Etre universitaire c'est aussi (et surtout?) enseigner.


Depuis plusieurs mois se succèdent en France des tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race » et j'en passe.


En tant qu’universitaire installée depuis huit ans aux Etats-Unis et actuellement en poste dans une université privée (Liberal Arts College, selon la terminologie étasunienne), j’observe cela avec un mélange d’inquiétude mais aussi d’amusement, tant le débat me semble assez déconnecté du métier d’universitaire, du moins tel que je le conçois.


La recherche et la production de savoirs en sont certes un volet important, mais l’enseignement en est un autre qui a tendance à être regardé de haut voire même avec dédain - notamment en France - alors même que la transmission des savoirs est au cœur de ce que devrait être le travail universitaire.


Il est assez frappant d’ailleurs que les pourfendeurs de l’islamo-gauchisme ou des études post-coloniales n’avancent jamais d’exemples précis sur la manière dont cette prétendue gangrène s’incarne dans les salles de cours. Y-a-t-il des manifestes clandestins de l’islamo-gauchisme qui circuleraient sous le manteau ? A-t-on vu ou entendu des professeurs enseigner des textes de Sayyid Qotb, non pour les analyser mais pour endoctriner les étudiants ? Y-a-t-il des textes théoriques dont on a montré l’inanité intellectuelle et qui sont malgré tout enseignés ? A-t-on vu des enseignants refuser catégoriquement d’inclure Aron dans leur programme ?


Enfin, un peu de sérieux. Car s’il s’agit de débusquer ceux qui en passant se moquent gentiment de Flaubert puis ne peuvent cacher leur admiration pour Fanon, je plaide mille fois coupable. Mais je demande à ce que soient également condamnés avec moi les passionnés de Céline et les pourfendeurs d’Edward Saïd.


Je suis donc assez étonnée qu’on évoque assez peu, dans ce débat vicié et polarisé, ce qui se passe pendant nos cours. Pourtant, c’est bien là, dans la salle de cours ou dans les amphithéâtres que nos responsabilités sont, de mon point de vue, les plus engagées et que les défis doivent être relevés. Et ils sont nombreux et bien plus prosaïques que les joutes verbales auxquelles on assiste, par médias interposés.


Que faisons-nous pour assurer la réussite de tous les étudiant.e.s et non pas seulement ceux dont les patrimoines culturels et économiques facilitent la réussite ? Créons-nous les conditions de possibilité d’une pensée critique ? D’une transmission équitable et inclusive des savoirs ? Transmettons-nous aux étudiants une éthique du travail et de la recherche ? Arrivons-nous à les convaincre de la nécessité de systématiquement citer les sources qu’ils utilisent lorsqu’ils rédigent travaux, mémoires ou thèses ? Réussissons-nous à leur faire prendre conscience de la gravitée du plagiat ? N’est-ce pas là, au fond, le plus important ?



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