Présidentielles américaines vues du Maine (2) Politique du sticker
Chaque voiture en a un au moins un qui affiche fièrement les convictions politiques des propriétaires. Il y a le sticker qui soutient le planning familial, celui qui incite à la paix et l’amour et l’autre plus grinçant qui invite à penser en dehors de Fox News « Think outside the Fox »
On met aussi dans son jardin des pancartes que l’on achète et qui annoncent fièrement soit « Trump/ Pence » soit « Biden/ Harris », ou les noms de candidat.e.s au sénat et autres élections prévues pour le mardi 3 novembre, puisque les Américains ne vont pas voter seulement pour les présidentielles.
Cette manière d’afficher aussi clairement ses choix politiques m’a toujours interpellée voire même mise mal à l’aise, parce que j’ai l’impression que pour les Américains, la politique reste un jeu d’enfants où on colle des autocollant pour narguer son voisin ou son camarade de classe, mais où on débat assez peu de sujets sérieux.

Déjà, il m’avait été assez difficile d’entamer une quelconque conversation pour critiquer, en 2016, Hillary Clinton. On me regardait un peu comme si je trahissais je ne sais quel code d'honneur démocrate et féminin et on me disait en somme de ne pas faire la difficile. Or il me semble que parler politique, c’est justement constamment s’obliger à faire les difficiles. Vous imaginez que cette année, comme je passe mon temps à questionner Biden et Harris, on me regarde à nouveau avec de gros yeux, puisque je ne semble pas avoir compris que l’objectif est de battre Trump et non pas de pinailler.
Mais il y a un sticker qui ces derniers jours me revient souvent à l’esprit. Je l’avais vu à l’arrière d’un truck, sur le parking de mon campus à l’automne 2015, quelques semaines à peine après mon embauche. Il était écrit en anglais et en arabe et annonçait fièrement « armed infidel » (mécréant armé) ou « kaffir moussala7a ». Outre que la faute d’accord en arabe qui met l’adjectif au féminin m’avait bien fait rire, je me suis longtemps demandée, à quel moment de sa vie, le propriétaire du truck pensait devoir se battre contre des musulmans dans l’état du Maine ? Je n’ai toujours pas la réponse et cela demeurera pour moi un des nombreux mystères irrésolus de ma vie américaine.
Lors du dernier débat calamiteux qu’il a eu avec Biden, quand Trump a demandé aux groupes d’extrême droite « de stand back and stand by », comprendre de se mettre en retrait mais de rester prêts au combat, j’ai immédiatement pensé qu’il allait forcément se trouver un petit malin pour imprimer des autocollants annonçant fièrement « Standing by », ajoutant ainsi à l’atmosphère quelque peu délétère en cette veille d’élection. Peut-être que l’autocollant remplacera celui d’«armed infidel», indiquant, je le crains, qu’après l’ennemi imaginaire extérieur crée par les néoconservateurs, Trump et sa fine équipe (covidée) ont bel et bien réussi ,en quatre ans, à créer l’idée d’un ennemi intérieur.