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Révolution permanente

Le verdict en appel est donc tombé. Khaled Drareni a été condamné à deux ans de prison ferme pour « incitation à un attroupement non armé et atteinte à l’intégrité du territoire national ». Le chef d’inculpation est une telle aberration, qu’il est presque inutile de le commenter.

Le régime montre à nouveau et sans surprise son vrai visage. Il a feint l’apaisement et la politique de la main tendue, après l’élection imposée de Abdelmadjid Tebboune. A Parlé de démocratisation. A annoncé un changement constitutionnel, ratifié par une Assemblée nationale illégitime et qu’un référendum doit entériner - quelle originalité - en date du premier novembre. A osé déclarer le 22 février «Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie ». Puis il emprisonne et condamne un journaliste dont le seul crime est d’avoir exercé son métier avec professionnalisme et talent.

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Le message est clair: perpétuer l’arbitraire et instiller à nouveau la peur.

On le sait, Abdelmadjid Tebboune est celui qui a condamné Khaled Drareni avant même le début de son procès, en le traitant, sans le nommer directement, de « khabardji », un terme qui fait honte à ce que devrait être la fonction présidentielle et résume à lui seul la médiocrité du personnage et du système qui le soutient.

Le régime algérien prouve encore une fois qu’il ne cessera jamais d’être sa propre caricature. Il n’y a rien à en espérer.

Il n’y a surtout plus rien à critiquer chez lui, le pire que l’on puisse dire ou écrire de lui, le régime algérien ne cesse de l’incarner et de le réincarner. Sans vergogne. Il ne donne d’autre choix que la révolution. La révolution qui en Algérie, depuis février 2019, a décidé de prendre le chemin d’une mobilisation pacifique et continue, nous obligeant à repenser tout ce que nous savions jusqu’ici des moyens de lutte et de contestation.

La révolution est la décision radicale de refuser ce régime. De le refuser en tant qu’interlocuteur. La révolution est la décision de déserter l’espace où le régime algérien tente de nous confiner. C’est un pas radical de côté. Le régime a beau se maintenir, des milliers d’Algériens disent qu’ils n’en veulent plus.

La révolution incarnée par le Hirak est la décision d’une maturité inouïe de ne pas avoir participé au jeu politique en se structurant ou en avançant des leaders et des porte-parole.

La révolution veut destituer le régime, le vider de sa substance, le regarder expirer quitte à ce que cela prenne plusieurs mois encore. La révolution sait que le temps n’est pas à la tiédeur, à l’espoir ou au pessimisme ou pire encore au pragmatisme politique car ce sont là les meilleurs agents du maintien de l’ordre et du status quo, avec leur « sage » et constante négociation avec le réel.

Les révolutionnaires sont des acharnés. Ils font sécession. Ils n’ont d’autres choix que celui d’agir. Ils sont sourds aux donneurs de leçons qui demandent pourquoi Khaled Drareni mobilise autant, aux résignés qui disent à quoi bon, aux opportunistes qui se disent que c’est l’occasion de décrocher une promotion. Ils prennent position et non pas des postures. Ils se mobilisent, créent des comités, des plateformes d’échange, lancent des radios libres, de nouveaux médias, écrivent des textes, dessinent. Se battent au quotidien pour ne pas céder au découragement et au cynisme.

La révolution est politique mais aussi intérieure. Ces mois de protestations de débats et d’échanges ont eu pour conséquence un changement profond des âmes et des esprits. Comme un réveil après un long sommeil dogmatique. L’estime de soi retrouvée. La prise de conscience que plus rien ne sera jamais comme avant. Qu’on ne peut plus continuer à vivre sa vie dans le silence et la soumission.

Avec la condamnation de Khaled Drareni, le réveil est total. Nous voyons le monde qui nous entoure tel qu’il est. Injuste. Inacceptable. La colère et l’indignation nous unissent et nous trouvons la force de nous tenir debouts. Solidaires. Au combat. Face à ce régime mortifère et que nous savons mourant.

Les révolutionnaires ne sont pas des êtres exceptionnels ou des romantiques naïfs, ce sont de simples citoyens, comme vous et moi, qui atteignent une lucidité qui les empêche de revenir en arrière. Ils refusent de se laisser happer à nouveau par la résignation. Par la normalité routinière de l’impuissance politique. Ils voient le régime algérien pour ce qu’il est : un scandale. Et ils n’auront de cesse de le dénoncer, jusqu’à sa chute.


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