Thawra moustamira. Révolution permanente.
Moment exceptionnel, comme un éveil spirituel, la révolution nous révèle à nous-mêmes.
Depuis février 2019, nous voilà à nouveau dignes, rieurs (ses) et courageux (ses). Empli(e)s de cet amour du pays qu’on ne nous confisquera plus. A l’instar de Sofiane Bakir Turki, ce jeune homme, devenu icône du mouvement et qui n’a pas été dupé par les sempiternelles manœuvres de boutiquiers et les tactiques d’un autre temps d’un régime moribond. « Yatnahaw ga3 ». Il l’a dit et dans notre langue! Insistant auprès de la journaliste qui l’exhortait à parler en arabe classique «haddi hiyya edderja ta3na. » Ce jeune homme ainsi que toutes celles et ceux qui ont manifesté leur soutien au Hirak, ceux qui ont brandi le drapeau algérien, amazigh ou palestinien, vendu des pins, chanté des slogans, écrit et déclamé des poèmes, dansé jusqu’à l’épuisement, toutes et tous ont renoué avec la joie d’être pleinement eux-mêmes.
L’élan révolutionnaire est précieux mais il est aussi malheureusement fragile car il est constamment mis à mal par les manœuvres et stratégies contre-révolutionnaires du régime en place. Organisation d’élections à tout prix. D’abord présidentielles et bientôt législatives. Après nous avoir copieusement insulté, traité de traîtres, de chardima, et autres noms d’oiseaux exotiques - car étrangers comme la main qui nous manipulerait - voilà que le régime s’efforce de récupérer la symbolique du mouvement. Avec les mêmes méthodes éculées: l’usage de formules creuses et un fétichisme pathologique des dates.
Le régime ose donc célébrer en ce 22 février, le deuxième anniversaire du Hirak "el moubarak el assil", excusez du peu, comme un événement que l’on peut figer et mettre sous cloche. Alors que le Hirak est le déclenchement d’un processus encore en cours et qui est loin d’avoir dit son dernier mot. Le régime en a bien conscience qui a voulu profiter de la pandémie de Covid 19 pour en briser l’élan, qui a emprisonné à tour de bras journalistes et activistes, a œuvré à leur condamnation arbitraire malgré des dossiers vides et pour des chefs d’accusation dignes d’une dystopie orwelienne. Franchissant un pas, comme en 1988, dans la monstruosité répressive, il a eu recours aux bonnes vielles méthodes coloniales, usant d’actes de torture sur Walid Nekiche qui a eu le courage de les dénoncer à sa sortie de prison.
Et puis il y aura toujours ceux qui se croient plus lucides. Qui endossent la posture cynique du «know it all ». Qui revendiquent le droit, voire même le devoir fondamental de critiquer le mouvement que personne d'ailleurs ne leur ôte. Optant pour une mise en scène de soi victimaire, sous prétexte qu’on ne partagerait pas leurs idées. Comme si les entraves à la liberté d‘expression dans notre pays était le fait des hirakistes et non pas du régime. Personne au sein du Hirak ne les empêche de voir le mouvement comme un épiphénomène urbain, teinté de naïveté et que sais-je encore. Mais nous sommes en droit de leur répondre qu’ils se trompent, qu’ils sont encore une fois dans une logique individualiste et réactionnaire. Se croyant au dessus de la mêlée, ils ignorent la joie d’en faire partie, le bonheur de communier et d’œuvrer pour le bien commun.
Mais l’élan résiste car depuis février 2019, malgré tout cela et peut-être même à cause de toutes les attaques – dont celles du régime sont évidemment les plus sournoises et les plus dangereuses - nous n’avons cessé de croire à la nécessité du combat. Nous mobilisant sans relâche avec les moyens qui étaient les nôtres pour la libération des prisonniers politiques, nos cœurs et nos convictions en bandoulière. Révolutionnaires forcenés. Pour Khaled Drareni. Pour Walid Kechida. Pour Walid Nekiche. Pour Dalila Touat. Pour Mohammed Tadjadit. Pour toutes celles et tous ceux qui étaient en prison pour leurs convictions. Pour toutes celles et tous ceux et qui y sont encore. Pour que nul ne soit plus inquiété pour ses opinions.
La route est encore longue et nous sommes encore au combat. Revigorés par la libération de nos camarades. Nous voulons tout, absolument tout. Toute la liberté. Tout l’amour et toute la joie. Thawra moustamira.
