Yatnahaw ga3
Le 12 mars 2019
Pendant plus de vingt ans, nous avons eu peur de vous et de nous-mêmes.
En octobre 1988, les chars sont entrés dans Alger. Une longue rangée effrayante et bruyante. En pleine nuit. Pour restaurer l’ordre. Plus de 500 personnes sont mortes et d’autres ont été torturées. Nous ne l’oublions pas. Depuis vos chars n’ont symboliquement jamais quitté la capitale.
Vous aviez fait de quelques uns d’entre nous des monstres, en confisquant une victoire électorale certes bien mal acquise mais par votre faute seule. C’était votre découpage électoral, vos manœuvres, vos politiques absurdes d’arabisation, votre règne sur le pays depuis 1962 qui ont propulsé les islamistes et leur projet réactionnaire et liberticide sur le devant de la scène. Cela nous ne l’oublions pas non plus et ne lâcherons pas la proie pour l’ombre. Inutile donc de brandir dans les prochaines semaines le spectre de la menace islamiste. C’est de vous dont il est question.
C’est vous qui avez lâché sans vergogne les monstres sur des innocent(e)s. C’est notre peuple, ce sont nos intellectuels et nos forces vives qui en ont payé le prix fort pendant que vous étiez à l’abri au Club des Pins ou ailleurs. Nous autres, nous sommes terrés, exilés ou tus. Nous attendions ce jour sans oser y croire.
Vous avez fait appel à un héros historique qui a manqué de lucidité en acceptant votre offre, mais a fait preuve de courage en dénonçant sans relâche ce qu’il appelait la mafia politico-financière. Vous n’avez pas hésité à l’abattre. Cela, au nom de Mohammed Boudiaf et de sa famille, nous ne le pardonnerons pas.
Vous avez cherché dans vos vieux dossiers une personnalité qui pourrait faire figure de sauveur. Avec son passé nationaliste de pacotille et sa soi disant maîtrise de l’arabe classique, il n’a pour finir apporté avec lui que davantage d’humiliation en se maintenant au pouvoir plus de vingt ans. Quand à sa concorde civile et à ses lois de réconciliation nationale, elles font honte à la justice et à la mémoire de nos morts.
Vous avez pillé le pays de ses richesses, vous avez brimé la jeunesse. Vous avez cultivé le secret et empêché les journalistes de faire leur travail. Vous nous avez traité(e)s d’idiot(e)s, de moutons, de machos, de soumises, de sanguinaires et de moins que rien.
Vous avez fait en sorte que votre mépris entache ce que nous étions. A nos yeux et aux yeux du monde.

Nous voilà redevenus nous-mêmes. A nouveau dignes, rieurs (ses) et courageux (ses). Empli(e)s de cet amour que vous ne nous confisquerez plus. A l’instar de ce jeune homme que vous n’avez pas dupé avec vos sempiternelles manœuvres de boutiquiers et vos tactiques d’un autre temps. Il vous l’a dit dans notre langue. Yatnahaw ga3. Qu’ils dégagent tous.
Ce jeune homme ainsi que toutes celles et ceux qui manifesteront les prochains jours restaurent notre fierté.